La venaison : une nourriture privilégiée

Tuer est un acte grave. Mais consommer des produits de la nature , les seuls vraiment bio , reste une affirmation culturelle qui s’oppose fondamentalement à celle des fast- foods et des plats cuisinés surgelés.

A l’origine de la venaison

L’introduction de la viande dans l’alimentation humaine ainsi que la pratique de la chasse ont été les facteurs principaux de l’évolution humaine. La chasse a participé au maintien de l’ordre social et le partage du gibier a renforcé la cohésion du groupe.

Au regard de l’histoire, notre consommation a changé . Nous consommons de la viande alors que nos ancêtres consommaient un animal. Ce respect pour l’animal était fondé sur une connaissance et une éducation transmises de génération en génération. Chasser consistait à repérer, traquer sa proie, la tuer et la manger. De cet animal à qui on avait enlevé la vie, rien n’était gâché , tout était consommé et valorisé. Au néolithique, l’élevage perturba cette règle et petit à petit les liens fondamentaux avec le gibier se sont estompés.

A l’ère industrielle, la valeur de la vie animale a basculé et l’animal est devenu de la viande participant au négoce. De nos jours, on consomme des steaks, des gigots et la population ne voit plus l’animal dans sa globalité. Dans le même temps , cette population a de la compassion pour le bambi, le loup, le renard.

Il n’est cependant pas utopique de dire que la consommation de viande de gibier comme aliment diététiquement supérieur permettrait de participer à la lutte contre le diabète, les pathologies cardio- vasculaires et l’obésité entre autres.

La consommation de la viande de gibier

Il existe un paradoxe français concernant la consommation de venaison :

  • la France est en queue de peloton européen avec une consommation moyenne de 0,6 kg/habitant/an alors que la Finlande par exemple , est à 9 kg /habitant/an.
  • La France est en tête sur l’importation de cette venaison : cerf de Nouvelle Zélande, sanglier d’Australie.

Pour le Français, la venaison est de la viande festive considérée comme un segment de qualité supérieure. Il serait grand temps de promouvoir un label « gibier sauvage de chasse d’origine Française ».

Des arguments en faveur du gibier par rapport à la viande d’élevage

Le gras

D’une manière générale,

  • le gibier n’a pas ou très peu de gras (exception de la panne et de la bardière chez le sanglier)
  • les muscles sont peu gras et non persillés,
  • les lipides sont presque exclusivement dans le cerveau et la moelle osseuse.
  • En France, le professeur Ducluzeau à Angers a étudié un certain nombre de gibiers et au Canada des études similaires vont dans le même sens.
VenaisonLipides/100gViande domestiqueLipides/100g
BICHE0,48 gBOEUF12,6 g
SANGLIER4,3 gPORC24,3 g
CHEVREUIL0 gAGNEAU25 g
LIEVRE0,39 gLAPIN6,25 g

La biche est 25 fois moins grasse que la viande de boeuf , le sanglier 5 fois moins que le porc et le chevreuil sans gras. On peut considérer que la pauvreté en gras de la venaison est une règle dans la nature en milieu ouvert où la quête de nourriture est réelle pour le gibier.

Si on se penche sur le cholestérol qui touche bon nombre de chasseurs et de non chasseurs, la venaison est un atout diététique. Nous fabriquons 75% de notre cholestérol, 25% sont d’apport alimentaire. La venaison ne contient pas de cholestérol. Dans un gibier ,il est présent exclusivement dans la cervelle et les abats.L’impact du gibier sur le cholestérol est donc marginal.

Les protéines

Muscles, réactions enzymatiques, hormones , trame osseuse, neurones, tout est protéine. La venaison possède une grande richesse en protéines d’excellente qualité nutritionnelle. Dans la nature, un animal est en mouvement, entretient ses muscles, prend ce qui est bon pour lui.

S’il est malade, sa chance de survie est infime et globalement l’animal que nous prélevons est sain. Les différents scandales qui ont touché dernièrement la viande chevaline nous obligent à une bonne traçabilité. La sécurité est donc du côté de la venaison, l’examen sanitaire initial des venaisons, le test trichine pour la vente du sanglier participent largement à cette sécurisation.

VenaisonProtéines /100gViande domestiqueProtéines / 100g
BICHE22,02 gBOEUF29,40 g
SANGLIER20,62 gPORC16,6 g
CHEVREUIL21,25 gAGNEAU16 g
LIEVRE22,54 gLAPIN21 g

Globalement en quantité de protéines, la venaison est supérieure à la viande d’élevage. Plus de protéines , peu ou pas de gras, la balance penche du côté de la venaison.

Les minéraux

Dans ce domaine, les valeurs en potassium, calcium, sodium et phosphore sont peu éloignées entre venaison et viande d’élevage.

Pour le fer, la venaison en général présente un taux supérieur et le lièvre remporte la palme du plus haut taux.

VenaisonFer en mg/ 100gViande domestiqueFer en mg/100g
BICHE3,4 mgBOEUF3,5 mg
SANGLIER2,1 mgPORC1,4 mg
CHEVREUIL3 mgAGNEAU1,5 mg
LIEVRE4,9 mg

Et si l’avantage de la venaison se trouvait également au niveau de la différence de toxicité ?

De nombreux résidus antibiotiques sont contenus dans la viande d’élevage . Ils ont trois usages :

  • préventifs pour éviter la contamination,
  • additifs dans tous les aliments comme facteurs de croissance,
  • curatifs pour soigner les animaux malades.

En France, pratiquement tous les porcs , les dindes, les veaux, 2 poulets sur 3 et un 1/3 des bovins à viande reçoivent des aliments supplémentés par des additifs antibiotiques. Seuls les élevages répondant aux critères de l’agriculture biologique et les productions sous « label » n’utilisent pas d’additifs.

Les dioxines

Elles se fixent dans le gras et semblent être la source majeure de contamination environnementale des viandes et des produits animaux. Elles se retrouvent dans les sols servant aux animaux domestiques et dans les végétaux que ces derniers consomment. Les dioxines se déplacent dans l’air et se déposent sur le sol et les végétaux ainsi que dans l’eau. Les dioxines sont des perturbateurs hormonaux puissants.

Ainsi, antibiotiques, dioxines et autres perturbateurs hormonaux sont contenus dans les viandes d’élevage. Nous n’avons pas ce risque dans la venaison de vrai gibier évoluant en territoire ouvert.

Et si la solution pour notre société était un retour à nos origines sur le plan nutritionnel ? Une telle question peut paraître incongrue et en faire sourir plus d’un.

L’homo-sapiens Cro-Magnon est présent depuis 35000 ans en Europe, 1,80 m, élancé,mandibules légères,un menton, pas de goutte, pas de caries, durée de vie 30-50 ans. Le physique et le psychique du Cro-Magnon c’est l’homme moderne avec l’acquis culturel en moins.

Les anthropologues sont formels, nos ancêtres du paléolithique ne connaissaient:

  • ni surpoids,
  • ni obésité,
  • ni diabète,
  • ni maladies cardiovasculaires,
  • ni cancers.

Après 3 millions d’années d’évolution, leur organisme était parfaitement adapté à l’environnement. Cette capacité d »adaptation va se fissurer au néolithique avec l’agriculture, les produits laitiers, les céréales et va voler en éclat à l’ère industrielle.

Au XXI siècle , sucres rapides, graisses transformées , additifs, sels , produits OGM sont le lot quotidien du consommateur dit moderne.

L’homme du paléolithique était nomade, chasseur , pêcheur, cueilleur et nous sommes devenus sédentaire, éleveur, agriculteur.

Nous ne pouvons pas inverser la tendance et pourtant génétiquement nous n’avons pas évolué car la fréquence de mutation d’un gène est de l’ordre d’une centaine de milliers d’années.

Nos ancêtres avaient des habitudes alimentaires plus proches de la nature et plus saines pour nos métabolismes. Aussi, consommons, usons et abusons de ce bienfait de la nature que représente la venaison et qui nous conforte dans notre action de chasseur et de consommateur averti.

Valorisons la consommation du gibier qui est une authentique chance sociétale.

Pierre ZACHARIE
Ingénieur des Services Vétérinaires
Expert référent en pathologies des Grands Gibiers et en hygiène de la venaison